INTRODUCTION
Durant la période particulièrement morose du confinement et plus généralement pendant la pandémie de COVID-19, nombre de familles ont souhaité se lancer dans des projets, notamment immobiliers, en vendant leurs appartements pour acquérir un nouveau logement pour leur famille.
Cependant, certains n’ont pas tenu compte de la maxime : « une petite impatience ruine un grand projet »[1].
Ainsi, au travers de l’exemple d’une affaire récemment tranchée par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE[2], il est possible d’observer que le dépôt d’une offre de vente immobilière par un particulier sur un site internet peut constituer un engagement dont il peut être difficile de se libérer.
I. L’OFFRE DE VENTE, UNE MANIFESTATION UNILATERALE DE VOLONTE
Avant d’étudier un cas particulier d’offre de vente immobilière au travers d’un exemple récemment jugé par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE, il est nécessaire de rappeler que : « l’offre est une manifestation unilatérale de volonté par laquelle une personne, l’offrant ou le pollicitant, fait connaître une autre personne, le destinataire de l’offre, sa volonté de contracter à des conditions déterminées. […] Concrètement, l’offre s’exprimera par une proposition suffisamment ferme et précise pour que son acceptation lie contractuellement l’émetteur de l’offre et son destinataire. L’émission d’une offre suivie de son acceptation représente l’échange des consentements nécessaires à la formation du contrat »[3].
Dans le cadre de l’affaire prise pour exemple, les consorts X, avaient publié sur le site LEBONCOIN, une offre de vente contenant notamment une description précise de leur appartement ainsi qu’un prix clairement déterminé.
Si les époux X avaient été extrêmement précis sur la détermination de la chose et du prix dans leur annonce, ils n’avaient cependant pas pleinement pensé leur projet. Ils souhaitaient en effet obtenir une importante plus-value sur la vente de leur résidence principale en raison de l’augmentation des prix de l’immobilier durant la crise COVID.
Or, les consorts X ont fixé le prix de vente de leur appartement sans anticiper que les biens sur lesquels ils allaient jeter leur dévolu connaîtraient également une hausse de prix.
Ils s’étaient donc tendu un piège à eux-mêmes en déposant l’offre de vente.
II. L’ACCEPTATION DE L’OFFRE POUVANT ENTRAINER LA PERFECTION DE LA VENTE
Peu de temps après la publication de leur offre, plusieurs personnes font connaître leur intérêt pour l’appartement mis à la vente par les consorts X.
Une lettre d’intention, suffisamment précise pour constituer un accord sur la chose et sur le prix, est rapidement émise par une famille souhaitant se porter acquéreur du tènement immobilier des époux X.
Sur la base de l’article 1583 du Code civil, la vente pouvait donc être considérée comme parfaite.
Outre cela, certainement afin de s’assurer un recours dans le cas où les acquéreurs se désisteraient, les consorts X adressent, quelques jours après réception de la lettre d’intention, un courrier à leur notaire, en n’omettant pas de mettre copie les époux Y qui ont donné leur accord pour acheter leur appartement. Dans cette correspondance, le consorts X sont particulièrement précis et rappellent toutes les informations relatives au bien à vendre, mentionnent les noms et adresse des époux Y et vont même jusqu’à préciser leur date de départ et les meubles qu’ils laisseront attachés à demeure.
Or, c’est peu de temps après ce courriel adressé à l’officier ministériel que les consorts X constatent qu’ils ne peuvent pas acquérir un nouveau bien à la hauteur de leurs espérances avec le prix de vente fixé.
Cependant, le piège s’est déjà refermé sur eux et Dame procédure est alors aux aguets.
III. UNE SOLUTION D’ESPECE POUR SE LIBERER DE SON OFFRE DE VENTE
Face à la difficulté pour trouver un tènement immobilier à acquérir à hauteur de leurs espérances, les consort X souhaitent se libérer de leurs engagements.
Un mois après l’émission de la lettre d’intention des acquéreurs, les consorts X adressent un courriel aux époux Y pour leur indiquer en substance qu’ils n’entendent plus vendre, pour des raisons qui leur sont propres.
Arrive alors ce qui devait arriver, les époux Y mettent en demeure les vendeurs de se rapprocher du notaire afin qu’il prépare l’acte la vente.
Les consorts X font le choix de ne pas répondre et un mois plus tard, un courrier d’avocat les met en demeure de réitérer l’accord intervenu sur la vente du bien immobilier.
L’avocat des consorts X s’interroge immédiatement sur des points basiques de l’offre qui doivent être respectés pour assurer sa validité, notamment l’indication de la superficie[4], la fermeté de l’offre[5], etc. Cependant, les vendeurs se sont montrés bien trop minutieux pour recourir à ces arguments.
Par conséquent, ne pouvant encourager ses clients à ouvrir un Bed et Breakfast pour les termites et autres insectes xylophages ou une chambre d’hôtes pour squatteurs dans leur appartement, ce qui aurait pourtant le don de refroidir l’envie d’achat des acquéreurs, l’avocat envisage alors deux solutions. Une négociation ou une procédure judiciaire se basant sur la seule erreur commise par les époux Y dans les courriers adressés au consorts X.
En effet, à la fin de leur offre d’achat, les acquéreurs ont mentionné : « Nous vous proposons à ce titre un rendez-vous chez un notaire pour discuter des termes de la vente et signer un accord de compromis ».
Le mieux étant parfois l’ennemi du bien, en inscrivant cela dans leur lettre d’intention, les époux Y laissent entendre qu’ils subordonnent la formation du contrat à la rédaction d’un compromis de vente notarié.
D’ailleurs, dans la mise en demeure qu’ils adressent aux consorts X, les acquéreurs continuent dans cette voie en indiquant : « Vous voudrez bien considérer la présente comme valant mise en demeure sous quinzaine d’exécuter vos obligations contractuelles afférentes à cette acquisition, en demandant à votre notaire de nous convoquer à un premier rendez-vous en vue de préparer la rédaction d’un compromis de vente formalisant notre accord sur les termes de l’achat de votre appartement ».
Et là, l’adage « errare humanum est, sed perseverare diabolicum » prend tout son sens.
En effet, en faisant cela, les époux Y conditionnent la perfection de la vente à la signature d’un compromis notarié ce qui démontre que la vente n’était pas parfaite et qu’elle n’en était alors qu’au stade des pourparlers.
Or, spécialement en matière immobilière, les parties font parfois de la réitération en forme authentique de l’acte sous seing privé ayant constaté la promesse réciproque une condition de formation, autrement dit, un élément constitutif de celle-ci.
Malgré cela, l’aléa judiciaire restait grand car d’autres éléments, qu’il n’est pas possible de détailler ici, étaient invoqués par les époux Y.
La décision a cependant été prise par les acquéreurs d’assigner les consorts X en justice pour forcer la vente. Ces derniers ont notamment fait valoir leur argumentation relative à l’absence de perfection de la vente pour les raisons précédemment énoncées.
Dans son jugement, le Tribunal judiciaire de GRENOBLE a estimé, aux visas des articles 1582 et 1583 du Code civil, que les parties se sont accordées sur la chose et sur le prix. Toutefois, la juridiction saisie précise qu’ « à deux reprises, les acquéreurs ont […] fait état de leur volonté de signer un compromis de vente […] Aussi, il apparaît que l’accord des parties portait sur la signature d’un compromis de vente. Dès lors, la demande à réitérer la vente est mal fondée et sera rejetée ».
CONCLUSION
Subséquemment, l’issue de ce litige a été favorable aux consorts X qui ont réussi à se libérer de leur offre grâce à une erreur commise par leurs acquéreurs.
Même si certains philosophes estiment que « la souffrance est salutaire », il est cependant vivement conseillé aux vendeurs particuliers de tènements immobiliers de bien réfléchir avant de déposer une offre publique de vente sur un site internet.
[1] Confucius
[2] Tribunal judiciaire de GRENOBLE, 6e Chambre civile, 22 juillet 2021.
[3] MEMENTO PRATIQUE FRANCIS LEFEBVRE, Editions Francis Lefebvre, 2018, p. 31.
Cf. article 1114 du Code civil.
[4] Article 46 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965
[5] Article 1113 alinéa 1 du Code civil